Analyse de la nouvelle définition de la douleur

L’IASP (International Association for the Study of Pain) se consacre à améliorer la recherche, l’éducation et les traitements cliniques des patients qui vivent des expériences douloureuses. Depuis de nombreuses années, les membres de l’association se rassemblent pour trouver un consensus sur une définition internationale de la douleur.

IASP 2020* : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée, ou semblant être associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle »

*Traduction non-officielle réalisée par mes soins

Ce 16 juillet 2020 l’IASP a publié une révision de sa définition de la douleur, une adaptation de celle qui prévalait depuis lors (1979). Profitons-en pour traduire et explorer les explications accompagnant cette définition révisée :

  • La douleur est toujours une expérience personnelle, qui est influencée à des degrés variables par des facteurs biologiques, psychologiques et sociaux.
  • La douleur et la nociception sont des phénomènes différents. La douleur (une expérience personnelle et unique) n’est pas définie seulement par l’activité de neurones sensoriels (nociception).
  • Les expériences de vie permettent à chaque individu d’apprendre le concept de la douleur.
  • Une personne indiquant qu’une expérience est douloureuse doit être respectée.
  • Malgré que la douleur ait un rôle adaptatif de protection, elle peut avoir des effets indésirables sur la fonction et le bien-être psychologique et social.
  • L’expression verbale n’est qu’un des comportements possibles pour exprimer la douleur; l’incapacité de communiquer n’implique pas une impossibilité pour un humain ou un animal de vivre une expérience douloureuse.

Trouver un consensus sur une définition de la douleur n’est pas une chose aisée. Il est dommage que la définition révisée mette encore fortement en avant la lésion tissulaire, et n’aborde que de manière assez pauvre et indirecte l’aspect (bio-)psycho-social de l’expérience douloureuse. Encore peu accessible sans explications, de nombreux patients et professionnels de la santé pourraient ne pas la comprendre, la négliger, ou pire : mal l’interpréter. Ce manque de compréhension et de dissémination de l’information se traduit encore aujourd’hui dans la pratique clinique. Notamment la corrélation non exclusive entre lésion tissulaire & expérience douloureuse. On reçoit aujourd’hui encore trop de patients incompris de leur famille ou soignants, vivant des expériences douloureuses persistantes. Recevant le message que leur douleur n’est pas réelle. « Tout va bien à l’imagerie ». Même si ce n’est pas intentionnel, c’est perçu comme : « Vous n’avez rien à faire ici » ou « Je ne vous crois pas ». Une voie royale pour le développement potentiel d’énormes impacts psycho-sociaux, qui peuvent découler en de l’incapacité pour le patient. Tous ces éléments nourrissent le cercle vicieux de l’expérience douloureuse.

En attendant une éventuelle adaptation de la définition de la douleur, nous pouvons travailler de manière éclairée avec nos patients et le grand public. De nombreuses ressources, formations et publications sont disponibles pour nous aider à mieux comprendre et appréhender la douleur. Développons la compréhension, l’éducation et une communication adaptée avec nos patients. Ces outils sont primordiaux. Ils sont l’extrémité du fil d’Ariane. Pour que le patient puisse, avec une détermination nouvelle, tracer son chemin en direction de la sortie du labyrinthe : notre système de soin de santé.